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Décarbonation de l'économie : l'exemple breton passé au crible du Shift Project

Pour le logement, le fret et la mobilité, le Shift Project a étudié le cas de la Bretagne sous le prisme de ses méthodologies de calcul de la décarbonation de l'économie. Conclusion : cette première étape doit être approfondie et débattue.

Energie  |    |  N. Gorbatko
Décarbonation de l'économie : l'exemple breton passé au crible du Shift Project

Voici de quoi donner du grain à moudre aux élus, censés produire une déclinaison territoriale de la planification écologique nationale d'ici cet été, via l'organisation de COP régionales. Après avoir publié une série d'études sectorielles consacrées à la décarbonation des activités du pays, publiées en 2021 et 2022, puis réunies dans un plan de transformation de l'économie française (PTEF) plus global, le Shift Project a souhaité confronter ses méthodes aux réalités du terrain, en débutant par la Bretagne (1) , en collaboration avec ses acteurs. Quatre cinquièmes des orientations de la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) requièrent en effet l'engagement des collectivités du fait de leurs compétences liées à la transition écologique : rénovation énergétique, voieries, etc. Mais ces collectivités jouent également un rôle d'entraînement et de coordination important vis-à-vis des acteurs du territoire.

« C'est par définition sur le plan local que se passe l'action, confirme le laboratoire d'idées. Collectivités locales, centres de recherche, entreprises, notamment TPE-PME, syndicats et actifs comme chercheurs d'emploi interagissent dans un contexte unique. » À ce stade du programme, les experts du Shift Project se sont centrés sur trois secteurs particulièrement carbonés et sur leurs interdépendances : fret, mobilité quotidienne et industries liées, logement. Avec toujours les mêmes outils de chiffrage des usages du carbone et la même attention portée aux contraintes en termes de ressources et de compétences. Mercredi 17 avril, les chefs de projet présentaient les premiers résultats intermédiaires de cette expérimentation menée avec les acteurs publics et politiques de terrain, pour chaque thématique.

Fret : des biocarburants à l'électricité

Pour ce qui concerne le volet fret, le défi s'avère difficile à relever en Bretagne. La région ne dispose pas de réseau de transport fluvial et seul 1 % du tonnage de marchandise par kilomètre est acheminé par voie ferroviaire (contre 9 % à l'échelle nationale). Impossible, donc, d'envisager ici une part de 30 % de ces deux moyens de transport en 2050, comme c'est le cas à l'échelle nationale dans le plan du Shift Project. Mais d'autres pistes sont envisageables ; d'autant plus facilement que les acteurs du territoire montrent une capacité à se fédérer plus forte qu'ailleurs et que les trois quarts du fret circulent à l'échelle régionale, voire départementale. Ce qui offre aux décideurs une certaine marge d'autonomie en termes de décision.

« Un peu par défaut », le Shift Project imagine un passage temporaire par le biocarburant, le recours au véhicule électrique, facilité par des parcours assez courts, ainsi qu'une électrification des cinq ou six axes principaux par catenaires ou induction. Il mise aussi sur la mutualisation et la massification du transport en s'appuyant sur une gouvernance forte, voire contraignante. Mais en complément, le secteur ne devrait pas pouvoir faire l'impasse sur une forte réduction de la demande, notamment jusqu'en 2030. Le tout accompagné d'un effort en matière de formation et de certification.

Mobilité du quotidien : un peu plus de légèreté

“ En Bretagne, neuf kilomètres sur dix sont effectués en voiture ” Yannick Saleman, Shift project
Autre sujet épineux : les déplacements du quotidien, de moins de 80 à 100 kilomètres, qui dépassent de 7 % la moyenne nationale. « En Bretagne, neuf kilomètres sur dix sont effectués en voiture », indique Yannick Saleman, chef de projet emploi et politiques industrielles. Par ailleurs, deux tiers de ces déplacements sont inférieurs à 35 kilomètres. C'est plus qu'à l'échelle nationale. Là encore, la décarbonation devrait passer par une électrification massive et constante des flottes, y compris par le biais du rétrofit. La recommandation vaut aussi pour les bus et les cars, le chiffrage du Shift Project montrant une production de biocarburant et d'hydrogène insuffisante pour toutes les demandes.

La spécificité de la région autoriserait par ailleurs plus facilement le développement des véhicules légers intermédiaires. Nécessitant trois fois moins de matière et d'énergie qu'une voiture classique, ces derniers permettraient un gain de 10 % sur le total des émissions de la mobilité du quotidien. Mais ces leviers technologiques ne permettront de faire que « la moitié du chemin ». Le laboratoire d'idées préconise donc de jouer sur les facteurs d'usage via « un choc d'offre de transports publics » grâce à des trains ou des cars express, en profitant de l'électrification des routes. En parallèle, il insiste sur la nécessité de développer un « système vélo » complet, notamment dans les centres urbains. Ces efforts permettraient un recul fort de l'usage de la voiture individuelle, tout en maintenant les possibilités de mobilité des habitants, estime le groupe de réflexion.

Logement : attention à la vacance

Dans le domaine du logement, à l'origine de 40 % des consommations d'énergie, les solutions envisagées par le Shift Projet sont multiples et ne diffèrent pas beaucoup des propositions nationales : rénovations globales et performantes à haute dose, développement massif des solutions de chauffage peu carboné, de type réseau de chaleur ou pompes à chaleur, notamment dans les maisons individuelles, plus nombreuses en Bretagne, constructions ambitieuses en termes énergétique, choix de matériaux bio-sourcés ou peu carbonés…

Mais pour répondre aux besoins d'une démographie dynamique en limitant les impacts de la construction, une attention plus soutenue devrait également être portée aux logements vacants, observent les experts, à l'intérieur des terres comme sur les côtes. Quitte à prendre des mesures contraignantes pour améliorer l'occupation du parc, précisent-ils.

De manière plus qualitative que quantitative, ces derniers se sont également penchés sur les festivals, activité florissante dans la région, et sur l'agro-industrie, sujet sensible du territoire. Dans ce dernier domaine, ils tablent notamment sur une réduction des intrants et sur une végétalisation de la production. Les chaînes logistiques pourraient également être optimisées. Quant aux festivals, ils gagneraient à actionner prioritairement le levier du remplissage des véhicules et du report modal dans les déplacements, la mobilité représentant 80 % des émissions de ces événements.

Des conclusions à réinterpréter

Tous ces efforts se concrétiseraient par une réduction globale de 95 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les émissions bretonnes resteraient cependant six à sept fois plus élevées que celles des trajectoires nationales de référence élaborées par le think tank, pondérées par la part de la population locale dans le total français en 2050 et par sa part historique dans les émissions de GES. Explications : malgré les mesures de décarbonation et la réorientation des choix vers des vecteurs énergétiques « plus légers », les trajectoires régionales en termes de consommations se placent encore toutes au-dessus des trajectoires nationales de référence.

Des écarts qui mettent en lumière tout l'intérêt de la démarche. Car une fois le constat établi, il reste à approfondir ces analyses pour mieux cerner les caractéristiques locales, envisager peut-être des transformations plus structurelles, lancer les débats et, surtout, faire des choix politiques. « C'est dans l'intérêt des régions, souligne Corentin Riet, chargé de la résilience des territoires au sein du Shift Project. Il ne faut pas qu'elles s'engagent dans des orientations énergie-climat qui ne seraient pas compatibles demain avec la trajectoire nationale : soit parce que les choix technologiques ne seront pas repris au niveau national et que cela va les isoler, soit parce qu'elles ont décidé de consommer trop d'énergie et qu'elles ne trouveront pas en face celle qui permettra à leur territoire de fonctionner. »

1. consulter le rapport
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43987-rapport-Bretagne-Shift.pdf

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