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Réforme des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau : des évolutions encore trop timides

La réforme des schémas d'aménagement et de gestion des eaux est en cours. La consultation du projet de décret la formalisant vient de s'achever. Les évolutions proposées gagneraient à être approfondies, selon les parties prenantes.

Décryptage  |  Eau  |    |  D. Laperche
Réforme des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau : des évolutions encore trop timides

La gestation aura été longue. Et à en croire les commentaires de la consultation publique qui s'est achevée mercredi 24 avril, le projet de décret sur les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (1) (Sage) ne répond pas totalement aux attentes des acteurs. Même si un grand nombre des évolutions proposées sont saluées.

Créé il y a trente ans, par la loi sur l'eau de 1992, ce schéma clef pour le dialogue des acteurs sur la gestion de l'eau nécessitait des ajustements et l'intégration des nouveaux outils (PTGE, Papi, Gemapi, etc.). Une évaluation (2) par des bureaux d'études, lancée par le ministère en 2020, considère les Sage comme « au milieu du gué ». Seulement la moitié de la France est couverte par l'outil. En effet, les 202 schémas existants se retrouvent aujourd'hui principalement dans les bassins Artois-Picardie, Loire-Bretagne et Adour-Garonne.

Si l'ambition n'est pas d'atteindre les 100 %, l'objectif du ministère de la Transition écologique est toutefois de lui donner nouveau souffle et de faciliter son aboutissement. Une seconde jeunesse appelée également de ses vœux par la Cour des comptes et l'Association nationale des élus de bassins (Aneb).

Dans cette optique, le groupement de bureaux d'études (3) chargé de l'analyse des Sage a préconisé 43 recommandations (4) . Parmi elles : le renforcement de la stratégie de l'outil, une meilleure assise de la légitimité de la commission locale de l'eau (CLE) comme de l'animation des Sage, un rapprochement avec l'aménagement du territoire, mais également une simplification de leur élaboration. Un groupe de travail restreint du Comité national de l'eau a également apporté sa contribution à la réforme à travers une délibération (5) , adoptée en octobre 2022.

Rapprocher l'aménagement de la gestion de l'eau

L'ensemble de ces réflexions a contribué à la construction du projet de décret. Ainsi, le ministère a souhaité améliorer la prise en compte des enjeux relatifs à l'eau dans l'aménagement des territoires. Pour cela, il prévoit d'intégrer à la CLE un représentant des établissements publics chargés des schémas de cohérence territoriale (Scot). Un élargissement salué, mais qui nécessiterait d'aller plus loin, pour plusieurs parties prenantes. « Cette évolution permet de renforcer indéniablement les liens entre eau et urbanisme, ont noté lors de la consultation les représentants du Sage Croult-Enghien-Vieille Mer. Toutefois, lorsque le périmètre de Sage n'est pas entièrement couvert par des Scot, cela peut engendrer un déséquilibre dans la représentativité des différents territoires au sein de la CLE. »

L'Assemblée permanente des présidents des commissions locales de l'eau de Bretagne (6) (APPCB) appelle, quant à elle, à la réciprocité en désignant les CLE comme « personnes publiques associées » au Scot. Un avis que partage plusieurs acteurs. « Aujourd'hui, la CLE ne dispose que du statut de commission consultative administrative, regrette ainsi l'association Eau et rivières de Bretagne. Le rôle des commissions locales de l'eau (…) souffre toujours d'un manque de pouvoir face aux décideurs et de l'absence systématique de consultation sur certains dossiers (…). Pour les révisions de PLU, PLUi et Scot, la CLE pourra être consultée en tant que personne publique associée, notamment au regard de son expertise concernant les enjeux relatifs à la ressource et aux milieux aquatiques. »

“ Le rôle des commissions locales de l'eau souffre toujours d'un manque de pouvoir face aux décideurs et de l'absence systématique de consultation sur certains dossiers ” Eau et rivières de Bretagne
Autre modification proposée par le projet de décret : que les Scot, mais également les plans locaux d'urbanisme (PLU) intègrent dans leurs annexes les règles et dispositions du Sage. Celles-ci seront détaillées à cet effet dans les documents du plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques, l'un des deux volets (7) qui composent le Sage.

Par ailleurs, le texte encourage la consultation des Sage. Ainsi, lors de l'élaboration ou de la révision d'un document d'urbanisme, les collectivités concernées disposeront des Sage dans la liste des documents portés à connaissance.

Identifier dès le PLU les zones humides à protéger

Le projet de décret a également voulu améliorer la visibilité des règles existantes de protection des zones humides dès la consultation du PLU. Le texte demande d'intégrer dans le règlement des Sage l'identification précise des parties de zones humides sur lesquelles est prévues une interdiction d'assèchement, d'imperméabilisation, de mise en eau ou de remblai. Ces zones humides devront également être prises en compte dans les règlements des PLU. Une mesure à laquelle s'oppose la FNSEA. « Avec la définition législative actuelle des zones humides, des zones humides non fonctionnelles sont délimitées. En outre, des erreurs d'appréciation importantes sont récurrentes pour les délimitations, a réagi la fédération de syndicats d'exploitants agricoles. Enfin, dans ses engagements, le Gouvernement a annoncé ouvrir un chantier sur les zones humides. De telles modifications réglementaires viendraient donc en avance de phase. »

Du coté des associations environnementales, c'est la rédaction de l'article qui ne convainc pas. « À la première lecture, on pourrait penser que cela renvoie aux Iota (installations, ouvrages, travaux et activités, ndlr) et donc que le Sage devrait cartographier les zones humides où la règlementation Iota s'applique pour que cela soit repris dans les documents d'urbanisme. Or, toute zone humide est protégée (...). Il y a interdiction d'assèchement, d'imperméabilisation, de mise en eau ou de remblais, de fait !, conteste FNE. Le Sage pourrait faire une cartographie indicatrice des zones humides présentes sur le territoire, qui peut/doit être reprise dans les documents d'urbanisme avec une protection, mais cela ne doit pas laisser penser qu'en dehors de ces zones, il n'y a plus de protection par les Iota. »

Simplifier les procédures

Le ministère a également essayé de clarifier la procédure de modification des Sage. Dans cette optique, il distingue dans le projet de décret deux procédures : une révision totale, quand les changements remettent en cause l'économie générale du schéma, et une partielle, dans le cas contraire.

Le texte précise également que le schéma peut être modifié à tout moment pour la correction d'erreurs matérielles ou l'ajustement  (8) des documents ou encore la mise en compatibilité à un document de rang supérieur. Dans ce dernier cas, s'il s'agit du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), la mise en compatibilité doit être réalisée dans les trois ans. « Le délai de trois ans pour la modification du Sage en raison de sa mise en compatibilité avec le Sdage est bien trop long, regrette FNE. Nous rappelons qu'un Sdage couvre un cycle de six ans. Attendre la moitié ce temps pour la compatibilité du Sage, qui a une plus grande force juridique n'est pas envisageable. Nous proposons de porter ce délai à un an. »

Une autre disposition est regrettée par des associations comme FNE ou Eau et rivières de Bretagne, mais aussi des représentants de commissions locales de l'eau : la possibilité pour le préfet de faire évoluer le périmètre du Sage lors de son élaboration ou de sa révision totale. « Nous sommes défavorables à cet article qui donne un fort pouvoir au préfet de modifier le périmètre des Sage sans consulter les CLE concernées, ce qui revient à une recentralisation qui affaiblit le poids politique des CLE et leur mobilisation », s'est positionnée FNE.

Le texte maintient par ailleurs le délai de six ans au maximum pour que la commission locale de l'eau délibère sur l'opportunité de réviser totalement le schéma et précise que l'état des lieux doit être mis à jour au moins tous les douze ans.

Concernant l'élaboration des Sage, deux nouvelles structures s'ajoutent à la consultation pour avis du document : le syndicat mixte d'aménagement et de gestion du parc naturel régional et le comité de gestion des poissons migrateurs.

Renforcer la portée stratégique des documents

Autre sujet attendu et traité par le projet de décret : la composition de la CLE. Le texte propose notamment d'ajouter un délai de deux mois aux associations départementales de maires pour soumettre leur liste pour le collège des collectivités territoriales et de leur groupement. « Cette évolution est très positive car elle permet de raccourcir le délai de renouvellement des CLE qui peut être fortement rallongé par une absence de réponse de l'association des maires », a noté le représentant du Sage Croult-Enghien-Vieille Mer.

En revanche, si l'ouverture de la CLE à un représentant de Scot est saluée, un certain nombre de parties prenantes auraient aimé que celle-ci soit élargie à d'autres membres. ainsi, FNE souhaiterait que figurent les représentants de l'agriculture biologique et les représentants du service de production d'eau potable. D'autres acteurs, comme les propriétaires de moulins ou d'activités nautiques, demandent eux aussi à intégrer les commissions locales de l'eau. Et la FNSEA préconise une meilleure représentation des acteurs économiques, en particulier agricoles.

Le texte introduit également un certain nombre de simplifications : le respect d'un délai (quatre mois) par le comité de bassin pour rendre un avis sur les projets d'élaboration du Sage ; la possibilité que des membres de la CLE issus du collège des usagers et de l'État assurent une vice-présidence ; l'adoption des délibérations par visioconférence ; qu'en cas d'absentéisme que le préfet puisse désigner de nouveau membre, mais également qu'un membre de la CLE puisse disposer de deux mandats en l'absence d'un membre du même collège. Il prévoit également que les collèges puissent être intégralement renouvelés après chaque renouvellement général des conseils municipaux. Des ajouts « attendus de longues dates et [qui] constituent une évolution certaine de la réglementation qui permettra de fluidifier et de rendre plus dynamique le travail des CLE et réduire les temps morts », selon le représentant du Sage Croult-Enghien-Vieille Mer.

Le projet de décret étend également l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe, plus lourdes, au non-respect des règles du Sage concernant la restauration et la préservation de la ressource dans les aires d'alimentation des captages d'eau potable ou dans les zones d'érosion, le maintien des zones humides d'intérêt environnemental ou l'ouverture périodique de certains ouvrages hydrauliques fonctionnant au fil de l'eau.

Mise en œuvre de mesures du Plan eau

La simplification du fonctionnement des CLE et le renforcement de la portée du règlement sont une des mesures prévues dans le Plan eau, présenté en mars dernier par le président de la République, Emmanuel Macron. Le plan appelle également à la définition de priorités d'usage de la ressource en eau ainsi que la répartition de volumes globaux de prélèvements par usage. Un objectif chiffré de réduction des prélèvements devant être défini à l'échelle des 1 100 sous-bassins du pays, à travers les Sage et les projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). « À l'occasion de leur révision, tous les Sage intégreront des trajectoires de prélèvement alignées avec les scénarios prospectifs », prévoyait le plan.

Ces trajectoires de prélèvements se retrouvent effectivement dans le projet de décret, au regret d'associations environnementales comme FNE. « Ce terme est excessivement flou et pourrait s'orienter tout autant dans un sens de développement que de réduction de certains prélèvements, explique-t-elle. On est très loin du terme "économies d'eau" ou "réduction des prélèvements". Comment imaginer avec une telle rédaction le déploiement de la nécessaire sobriété de tous les usages inscrits dans la feuille de route des Assises de l'eau et paraissant incontournable vu la récente note publiée par France Stratégie "Prélèvements et consommations d'eau : quels enjeux et usages ?". »

D'autres acteurs comme la FNSEA apprécient en revanche la modification. « La FNSEA salue le retrait du projet de texte de l'inscription systématique d'objectifs chiffrés de réduction des prélèvements d'eau dans chaque Sage, sans lien ni avec les ressources du bassin, ni avec les besoins actuels et futurs des usagers, indique la fédération. Mais cette évolution n'est pas suffisante par rapport aux engagements gouvernementaux et aux attentes des agriculteurs. La FNSEA interroge le Gouvernement sur l'articulation de ce passage « avec le décret du 23 juin 2021 qui renvoie aux préfets coordonnateurs de bassin la définition des volumes prélevables et de leur répartition par usage et avec l'engagement de ne pas baisser les prélèvements agricoles pris par le président de la République dans le cadre du Plan eau. »

Encore de nombreuses attentes

Reste à voir si cette réforme des Sage sera complétée pour prendre en compte de façon plus fidèle les propositions émanant des travaux préparatoires. « Ce projet de décret constitue une première étape, a considéré le bureau de la CLE de la basse vallée de l'Ain. Les efforts restent à poursuivre pour que les liens entre l'aménagement du territoire et le Sage soient davantage facilités et renforcés, que le contenu des documents du Sage réponde encore mieux aux enjeux du territoire, que le règlement du Sage soit mieux connu, mieux appliqué par les acteurs et mieux contrôlé, que le modèle de financement des structures porteuses pour l'élaboration et la mise en œuvre des Sage soit sécurisé et, enfin, que les membres de la CLE et les animateurs de Sage soient mieux accompagnés pour faire vivre ces projets de territoire. »

1. Lire La gouvernance de l'eau à l'ère de l'Anthropocène<br /><br />
https://www.actu-environnement.com/blogs/ludovic-brossard/414/gouvernance-eau-a768-ere-anthropocene-676.html
2. Télécharger le rapport d'évaluation des Sage
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43989-rapport-evaluation-sage.pdf
3. Oréade-Brèche, Cereg, Contre-champ 4. Télécharger les recommandations
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43989-reforme-sage-recommandations.pdf
5. Télécharger la délibération du CNE sur la modernisation des Sage
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43989-deliberation-cne-reforme-sage.pdf
6. Regroupant 20 Sage 7. Le schéma d'aménagement et de gestion des eaux se compose d'un plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques et d'un règlement8. s'ils n'entraînent pas de conséquences pour les tiers et ne remettent pas en cause son économie générale

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